Sols
Sans labour et sans glyphosate : quelles solutions ?

Beaucoup d’agriculteurs cherchent à moins travailler le sol de leurs parcelles. Alors que l’interdiction du glyphosate plane, de quelles solutions disposent les agriculteurs pour détruire les précédents culturaux (ray-grass, couverts végétaux) ? Eléments de réponse suite à la journée technique dédiée au sol de début juin.

Sans labour et sans glyphosate : quelles solutions ?
Le non labour favorise la porosité naturelle du sol, bénéfique à la vie dans le sol et donc à la matière organique. L’étude du sol en dit beaucoup sur les itinéraires techniques des dernières années.

Quelles possibilités ont les agriculteurs pratiquant le sans labour pour détruire les couverts et les adventices sans utiliser le glyphosate (ou en limitant son usage) ? Telle était la problématique posée lors de la journée « Cultivons le potentiel de nos sols » organisée mardi 15 juin à Sury-le-Comtal par la Chambre d’agriculture, le comité de développement agricole de la plaine du Forez, la fédération départementale des comités et la FDCuma. Les visiteurs présents (agriculteurs, étudiants, techniciens…) ont pu avoir des éléments de réponse en suivant les quatre ateliers abordant chacun une thématique précise à travers des compte-rendu d’expérimentation, des témoignages d’agriculteurs et techniciens, des études de sol, la présentation d’un matériel. Tels étaient les thèmes proposés :  

- repenser son système d’élevage pour limiter le travail du sol et l’usage du glyphosate dans un contexte d’autonomie fourragère fragile et d’érosion fréquente ;

- repenser son système d’élevage pour développer les couverts restitués au sol et améliorer la fertilité du sol ;

- observer son sol pour décider de son itinéraire technique ;

- détruire un couvert sans glyphosate.

Ainsi, outre la problématique du glyphosate, plus globalement, ce sont les itinéraires techniques et les rotations incluant des couverts végétaux qui ont été largement abordés au cours de cette journée, avec, sous-jacentes, les problématiques liées au sol (fertilité, érosion, structuration).

Matière organique, argile et structure

Nicolas Courtois, spécialiste en agriculture de conservation (AC Agro), rappelait les fondamentaux de l’agriculture de conservation : couvrir les sols ; moins travailler le sol ; jouer sur l’alternance des cultures. Le non labour favorise la porosité naturelle du sol, bénéfique à la vie dans le sol et donc à la matière organique. « Moins labourer, c’est moins oxygéner le sol et donc dégager moins de carbone, mais c’est en même temps libérer moins d’azote... » La matière organique a besoin d’être protégée dans le sol, sinon elle est rapidement dégradée par les micro-organismes. Le principal mécanisme de protection est la complexation à la surface des argiles. Dans le sol, le carbone se fixe aux argiles (complexe argilo-humique).

En moyenne, la capacité de complexation des argiles est de 10% de la masse. Un sol est donc proche de son optimum de carbone complexé lorsque le carbone organique équivaut à 0,10 x le taux d’argile (ou que la matière organique équivaut à 0,17 x le taux d’argile, sachant que matière organique = 1,74 x carbone organique). Ainsi, lorsque le taux d’argile dans le sol est de 20%, l’optimum de la matière organique est à 3,5%. En connaissant le taux d’argile dans le sol, il est possible de calculer la quantité de matière organique à avoir.

Nicolas Courtois a démontré qu’il existe un lien entre le rapport matière organique / argile et la structure du sol. L’optimum pour avoir un sol idéalement structuré se situe entre 17 et 24%. Nicolas Courtois a indiqué une manière de noter simplement un sol, grâce à son observation (qualité de la structure, apparence générale, taille, racines, porosité visible…), afin de déterminer simplement le rapport matière organique / argile d’un sol. L’intervenant a encouragé les agriculteurs à noter leur sol maintenant, et, si besoin, à modifier leurs pratiques culturales dans l’objectif d’atteindre l’optimum, puis à renoter le sol dans cinq ans pour mesurer l’évolution.

Couverts et modalités de destruction

Sur une parcelle de Rémi Baudet, où se tenait la journée sol, plusieurs couverts (mélanges avec plus ou moins de plantes différentes) et modalités de destruction ont été testés (15 bandes différentes au total). Alors que le semis a été fait mi-août (à 3 cm de profondeur), la levée a été rapide en raison d’orages. Début décembre, un prélèvement de biomasse a été réalisé sur chacune des sous-parcelles. Il ressort que le mélange comprenant le plus de variétés (phacélie, sorgho, vesce, gesse, moha, radis, tournesol, moutarde, niger, lin) a fourni le plus de biomasse, tout comme le mélange composé de phacélie et de féverole.

Après destruction des couverts sur chacune des sous-parcelles selon différentes modalités (déchaumage, broyage, rouleau sur gel, round up), la restitution d’azote a été estimée par la méthode Merci (Méthode d’estimation des restitutions par les cultures intermédiaires). Flore Saint-André (Chambre d’agriculture de la Loire) explique que le broyage ou la destruction au rouleau du couvert restituent plus d’azote au sol que le déchaumage, ce quel que soit le mélange étudié. Rémi Baudet dit ne pas avoir vu de différence de levée du maïs selon les couverts et les modalités de destruction.

Préparation du sol et désherbage

Des essais culturaux ont été conduits dans des exploitations du comité de développement Entre Loire et Rhône pour comparer plusieurs modalités de préparation du sol (labour, déchaumage + herse rotative, déchaumage, déchaumage + désherbage au glyphosate, désherbage + semi direct) avant semis de maïs après divers précédents (ray-grass, méteil, sol nu). Aucune différence sur le rendement en maïs n’a été observée. Néanmoins, Marie-Françoise Fabre (Chambre d’agriculture de la Loire) indique cependant qu’il faut bien prendre en compte le coût de l’itinéraire technique choisi (mécanisation et produits phyto-sanitaires) : le semis direct est plus économique en préparation avant le semis, mais le désherbage supplémentaire au glyphosate augmente le coût. L’essai a également mis en évidence qu’il convient de privilégier le méteil plutôt que le ray-grass en précédent du maïs lorsque l’itinéraire sans labour est utilisé, pour éviter d’en voir repousser dans la parcelle. Lorsque le précédent est du ray-grass, le glyphosate présente de l’intérêt. L’essai a permis de comprendre qu’après un semis direct derrière méteil, il convient de semer rapidement après ensilage du méteil pour éviter que les repousses de celui-ci ne concurrencent le maïs.

Lucie Grolleau Frécon

Technique / Le scalpage pour détruire un couvert
La technique du scalpage consiste à détruire la culture en place en tranchant les racines des végétaux à une profondeur comprise entre 5 et 8 centimètres maximum, puis à laisser sécher le mulch.

« Il faut cultiver son sol pour qu’il travaille ». Une phrase prononcée par Lionel Gaudard technicien à la FDCuma qui résume l’intérêt premier du couvert et des rotations de cultures. Un sol couvert bénéficiera du travail des racines, mais aussi des vers de terre, pour être plus aéré et moins sensible à l’érosion.   

Des essais ont été réalisés chez Mathieu Razy, éleveur de vaches allaitantes à Haute-Rivoire dans le Rhône. Il a converti son exploitation en agriculture biologique en 2012, puis a repris des parcelles en non-labour en 2014. Il cherche à stopper l’érosion et à favoriser l’auto-fertilité du sol, en arrêtant le travail du sol, en pratiquant le semis direct sans utiliser de produits phytosanitaires ni augmenter son temps de travail.

Un protocole a été mis en place : entre mai et juin, la prairie doit être surpâturée afin d’être détériorée ; fin juin, il faut réaliser un scalpage pour trancher les racines des végétaux ; début juillet, l’agriculteur sème un couvert dit « agressif » comme le méteil en adaptant l’association d’espèces au climat estival (par exemple en privilégiant des espèces comme le moha ou le millet qui résistent aux chaleurs) ; entre fin juillet et début octobre, le couvert est pâturé ou fauché ; enfin, en octobre, l’exploitant implante son blé dans le couvert semé début juillet.

Principe du scalpage

« La technique du scalpage consiste à détruire la culture en place en tranchant les racines des végétaux à une profondeur comprise entre 5 et 8 centimètres maximum, puis à laisser sécher le mulch, qui se décomposera et fertilisera le sol par la suite, détaille Jean-Baptiste Colboc, commercial pour la marque Güttler. Le semis direct se pratique dans les débris de végétaux : la terre est seulement ouverte par le disque pour déposer la graine.»

Jean-Baptiste Colboc présentait un déchaumeur utilisé pour scalper, avec des socles assez larges avec un faible inter-dents pour travailler sur toute la largeur. Cet outil ne possède pas de rouleau, mais un peigne qui fait tomber la terre.

Les avantages du scalpage sont de ne pas nécessiter un tracteur de forte puissance (environ 100 cv pour un outil de 5 mètres), ce qui limitera le tassement du sol. La destruction du couvert est optimale lorsque les conditions météo sont favorables : vent et chaleur. Néanmoins, pour avoir une meilleure efficacité, il est parfois nécessaire de réaliser plus de passages que pour un traitement phytosanitaire, ce qui fera augmenter la consommation de gasoil non routier.

Thomas Ribeyron