« Cultivons le potentiel de nos sols »
Changement climatique : conduite du troupeau et des cultures

Dans le cadre de la journée intitulée « Sol et méteils : mes alliés face au réchauffement climatique » organisée le 15 juin par la Chambre d’agriculture, la Fédération des comités de développement agricole et la FDCuma, un point a été fait sur l’adaptation des fermes d’élevage au climat qui évolue.

Changement climatique : conduite du troupeau et des cultures
Avec l’arrêt de la pousse estivale de l’herbe, à l’avenir, les animaux pourraient passer plus de temps en bâtiment l’été. A l’inverse, les éleveurs devront être capables de valoriser la pousse de l’herbe l’hiver.

Il n’y a aucun doute, « le changement climatique est en marche dans la Loire avec une hausse des températures, un maintien de la pluviométrie annuelle mais avec une répartition mensuelle différente (de moins en moins d’eau l’été et plus à l’automne) », introduisait Stéphane Brisson, responsable de l’équipe élevage à la Chambre d’agriculture de la Loire le matin de la journée « Cultivons le potentiel de nos sols », qui portait cette année sur le triptyque « changement climatique - sol – méteils ». Les accidents climatiques risquent d’être plus fréquents (sécheresse, grêle). L’évapotranspiration des plantes sera plus importante. Ces éléments auront inévitablement des conséquences sur la pousse de l’herbe et des cultures, et donc sur la conduite des surfaces et des élevages.

Le programme AP3C (Adaptation des pratiques culturales au changement climatique) prévoit dans le Roannais, à l’horizon 2050, une mise à l’herbe avancée d’une semaine (4 mars), une première coupe d’ensilage précoce (21 avril) et des foins réalisés dix jours plus tôt (15 mai). La modélisation prédit une production d’herbe en baisse de 10 % en année normale et jusqu’à 30 % en année sèche, un allongement de la période d’arrêt de pousse de l’herbe en été (45 jours au lieu de 35), un automne favorable à la croissance de l’herbe et aux semis et une pousse de l’herbe qui se poursuit en hiver. Avec l’évolution du climat, le risque d’échaudage des cultures augmente et les récoltes avancent de 15 à 20 jours. La culture de dérobées pourrait connaître une réussite aléatoire.

Une priorité : la conduite du troupeau

Ainsi, « il ne sera plus possible de nourrir le même nombre d’animaux avec une surface identique ». Selon Stéphane Brisson, la conduite du troupeau est une priorité pour s’adapter au changement climatique. Il recommande de limiter le nombre d’animaux improductifs, ce qui passe par une bonne maîtrise de la reproduction, de baisser l’âge au premier vêlage (deux ans) lorsque le potentiel des génisses est là et de faire vieillir les animaux productifs. Conduire des lots homogènes et optimiser la conduite pour vendre les animaux à un prix plus élevé (période, conformation, qualité, circuit court) constituent d’autres leviers.

Il donnait quelques recommandations dans le domaine de l’alimentation : tenir compte des besoins des animaux (race, poids, production) ; bien conserver les aliments ; limiter le gaspillage ; faire pâturer le plus possible pour limiter le temps en bâtiment ; proposer aux animaux une ration suffisante et de qualité.

En ce qui concerne la production fourragère, il convient de raisonner le chargement en fonction du potentiel du secteur, de veiller à avoir un abreuvement au pâturage de qualité et à avoir des arbres et des haies dans les prés. Pour optimiser la conduite des surfaces fourragères, le technicien conseille de procéder à une mise à l’herbe précoce des animaux, puis de conduire le pâturage et les récoltes selon les observations faites dans la parcelle plutôt que selon des dates fixes. « Dans un contexte de changement climatique, il est important de veiller à ne pas augmenter le cheptel en même temps que la SFP (Surface fourragère principale). » Avec l’arrêt de la pousse estivale de l’herbe, « les animaux seront probablement plus souvent en bâtiment l’été. Les agriculteurs devront aussi être capables de valoriser la pousse de l’herbe l’hiver et donc de s’organiser pour du pâturage hivernal ».

Tout éleveur a également intérêt à réaliser un bilan fourrager régulièrement pour anticiper la conduite du troupeau et des récoltes. « Attention dans les calculs : le format des bovins a tendance à augmenter au fil des années, et par conséquent leurs besoins alimentaires aussi », prévenait le technicien. Il conseillait aussi d’implanter des prairies mieux adaptées à la sécheresse et de diversifier la production de fourrages avec des prairies multi-espèces, des méteils, des dérobées ou encore des luzernes.

Plus largement, diversifier l’assolement en introduisant des cultures permet de « ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier », poursuivait Stéphane Brisson. « Des céréales peuvent être intégrées dans la ration et peuvent servir à engraisser des femelles. Gagner en autonomie alimentaire présente un intérêt financier non négligeable. Cette pratique limite aussi l’achat de paille. Il convient d’implanter des espèces ou des variétés précoces pour éviter l’échaudage. »

Ne pas négliger les aspects économiques

Quant aux bâtiments, « leur prix a doublé en 20 ans et le coût de fonctionnement de ceux avec une aire paillée a également fortement augmenté. La paille coûte plus cher ; les éleveurs cherchent des produits de substitution. » Le technicien conseille de veiller à la lumière, l’aération et la ventilation. Les bâtiments actuels sont conçus pour le confort des animaux l’hiver. Ils doivent désormais être agréables l’été puisque les animaux sont amenés à y passer plus de temps. Il recommande aussi l’installation d’un système de récupération des eaux de toiture pour abreuver les animaux et des panneaux photovoltaïques.

Les aspects économiques ne doivent pas être oubliés : réaliser un coût de production et le commenter ; s’assurer de ne pas dégrader l’EBE ; adapter les investissements au potentiel de production ; penser aux assurances climatiques ; chiffrer les marges de progrès.

 

Lucie Grolleau Frécon