Chefclub
« Jamais on n’aurait imaginé vendre un livre »

Star des réseaux sociaux avant même d’avoir son propre site internet, Chefclub est allé à contre-courant de l’évolution technologique en publiant une quinzaine de livres de recettes. Alors que paraît le tome 3 de son best-of(*), Thomas Lang, cofondateur, raconte ce virage.

« Jamais on n’aurait imaginé vendre un livre »
Les frères Lang ont cofondé Chefclub en 2016. / ©Chefclub

Comment Chefclub est-il né ?

Thomas Lang : « Nous sommes trois frères fondateurs, pas experts en cuisine à la base. Un peu comme tout le monde, finalement, à l’inverse du mythe du Français gourmet véhiculé à l’international. Notre combat au lancement consistait à opposer la surexpertise montrée à la télévision dans des émissions comme Top Chef au placard de tout un chacun avec ses ingrédients ordinaires. Il y avait aussi l’envie de s’amuser et de rassembler - ce qui est l’essence même de la cuisine. Avant Chefclub, nous étions entrepreneurs dans le social gaming. Nous connaissions donc les codes des réseaux sociaux et savions que ces plateformes voulaient s’orienter vers un modèle de diffuseurs de contenus sérieux. Nous avons privilégié la vidéo et choisi d’en produire sur un créneau entre cuisine et divertissement. La première était moche (sic), mais a résonné positivement auprès des internautes et montré que notre positionnement était bon. »

Vous avez été rapidement très puissants sur les réseaux sociaux. Pourquoi avoir décliné votre concept en livres ?

T.L. : « C’est parti de demandes et de sollicitations. Jamais de la vie on n’aurait imaginé vendre un livre, puisque nous sommes des trentenaires qui n’en avaient jamais acheté… Nous avons d’abord été sollicités par un grand éditeur à l’été 2017, mais son approche nous a peu enthousiasmés au niveau rédactionnel, ce n’était pas fidèle à ce que l’on imaginait. On s’est donc dit : “Faisons-le nous-mêmes.” A l’époque, Chefclub comptait une dizaine de personnes, dont une qui avait fait un stage dans l’édition… Nous avons donc été très humbles, on a écouté le public pour viser le plus juste. Nous avons trouvé un imprimeur et tout fait en interne pour produire un premier tirage de 50 000 exemplaires que l’on a écoulé en moins de trois mois. »

Vos deux publics sont-ils différents ?

T.L. : « Le cœur de notre audience web, ce sont les femmes de 25 à 49 ans, mais on a beaucoup d’hommes, on le voit dans les commentaires. Pour mes frères et moi, la cuisine n’a jamais été un sujet cool, on avait plutôt en tête l’image de Maïté ou de Jean-Pierre Coffe. Or Chefclub est très fort sur des plateformes sociales comme Tiktok ou Snapchat discover, où l’on reçoit des commentaires hyper qualitatifs de jeunes ados. Nous avons aussi développé un espace de recettes pour les enfants à partir de 3 ans. Chefclub parle à tout le monde, nous en sommes hyper fiers. Les acheteurs de nos livres sont là encore majoritairement des femmes, avec deux tranches d’âge principales : les plus de 50 ans pour les livres de recettes et les jeunes parents pour les coffrets destinés aux enfants. »

Comment pensez-vous vos ouvrages ?

T.L. : « On a compris ce qu’était un livre de cuisine en parlant avec notre communauté. On ne s’écoute pas nous-mêmes. Tout ce qu’on fait chez Chefclub est pensé avec notre communauté, à partir d’avis qualitatifs et de données quantitatives. C’est assez disruptif par rapport aux éditeurs classiques. On soumet par exemple une vingtaine de thématiques à notre audience, puis nous en développons cinq qu’elle a choisies. Ensuite, nous sommes très soigneux, conscients de devoir faire de beaux objets. On propose des ouvrages très qualitatifs, avec 20 à 50 recettes, certaines déjà publiées et d’autres inédites. Enfin, on établit une passerelle avec les recettes en vidéo grâce à des QR codes à scanner avec son smartphone ou sa tablette. »

Que représente l’édition dans votre modèle économique ?

T.L. : « Au-delà de la notoriété, elle est devenue stratégique en constituant une grosse ligne de revenus et de marge puisque nous fonctionnons sans intermédiaire. L’avenir ? Les livres de cuisine continueront à exister dans la durée. Ce n’est pas un produit éphémère, au contraire, ils incarnent un lien fort avec les gens et il y a encore plein de choses à créer pour raconter des histoires à travers la cuisine. »

Propos recueillis par Franck Talluto

(*) Le best of volume 3, Chefclub éditions, 20 euros