Enseignement agricole
Le retour des apprenants en classe

Les mesures d’accueil des élèves dans les écoles après la période de confinement ont fait couler beaucoup d’encre ces derniers jours. Les établissements d’enseignement agricole sont bien évidemment eux aussi concernés par le retour des jeunes en classe. Comment les chefs d’établissements ligériens et les équipes pédagogiques se préparent à cette nouvelle période ?
Le retour des apprenants en classe

Chaque chef d'établissement de l'enseignement agricole et ses équipes planchent depuis plusieurs jours, voire quelques semaines, sur le plan de sortie du confinement. « Je préfère dire que nous avons écrit un plan de sortie de confinement, plutôt qu'un plan de reprise de l'activité, puisque l'activité ne s'est jamais arrêtée, indique d'emblée Paul Candaele, directeur du Lycée de Chervé. Nous avons travaillé avec les experts de la communauté éducative pour préciser les précautions à prendre, poste de travail par poste de travail, et voir comment répondre à telle ou telle situation. Bien évidemment, nous nous réservons la possibilité de faire évoluer ce plan. » Pour le retour des jeunes au sein de l'établissement, les besoins ont été identifiés : les diplômes ; recréer du lien ; assurer l'orientation.


Pour David Jouve, proviseur du Campus agronova, « c'est essentiel que les jeunes puissent revenir à l'école », pour plusieurs raisons : pour un retour à une forme de socialisation (« Cette population souffre plus que d'autres du manque de liens... ») ; pour la continuité pédagogique (« Après la distanciation, il faut revenir à du présentiel pour que les jeunes s'approprient concrètement ce qui a été appris théoriquement ») ; pour l'orientation («Ils doivent avancer dans leur projet »)..., mais aussi parce qu'il y a des situations familiales compliquées et pour faire de la pédagogie positive (« Nous devons leur apprendre à vivre dans un contexte de pandémie, avec le risque. »).


Au sein du réseau des MFR, le mot d'ordre est « de tester en juin les mesures sanitaires mises en place dans les établissements, avec des jeunes qui reviennent en petit nombre (trois ou quatre classes au lieu de huit), pour se préparer à la rentrée de septembre ». Pour le retour des jeunes en classe, «la priorité a été donnée à ceux qui seront dans les MFR en septembre », indique Eric Arrio, directeur adjoint des MFR Loire-Auvergne. Pour les autres, des temps de présence à la MFR seront aménagés « pour finaliser la partie administrative de leur année, pour faire un bilan de l'année, pour travailler sur leur orientation. »


Au Lycée de Ressins, la logique est la suivante : les jeunes qui devaient avoir un examen mais qui a été annulé (Terminale, BTS deuxième année) ne reviennent pas à l'école, mais la continuité pédagogique se poursuit pour eux jusqu'à la fin de l'année scolaire. Pour toutes les autres classes, les familles ont été informées en début de semaine de l'organisation mise en place pour le retour des jeunes à l'école. « Notre souhait est de faire revenir en priorité les élèves qui ont un examen en fin d'année scolaire », explique Franck Roussier, c'est à dire ceux en classe de Première qui préparent le Bac de français (qui est pour l'heure maintenu) et ceux qui doivent valider des unités capitalisables dans le cadre d'un Contrat de spécialisation. Tous les autres élèves devraient terminer l'année en étudiant à distance.


Au Lycée de Chervé, « nous avons fait le choix de faire revenir les stagiaires de la formation continue (trois groupes) sur le site à partir du 25 mai. ». Il en est de même au Campus agronova. Des apprentis sont aussi accueillis ces jours au Lycée de Chervé. A partir du 2 juin, si cela est possible, « nous accueillerons les niveaux de la formation initiale qui en ont le plus besoin, précise Paul Candaele : les Secondes, puis les classes de Première. Les élèves en Terminale seront également accueillis sur le site, mais sur un temps très court, pour clôturer leur année scolaire. »


Au Campus agronova, pour les apprentis, le travail à distance va se poursuivre, mais ils reviendront ponctuellement au campus. Certains professeurs de cet établissement, pour qui les cours sont plus compliqués à maintenir avec les règles sanitaires, comme par exemple l'EPS, vont être mobilisés pour faire du tutorat : vérifier que le jeune a le niveau demandé pour passer en classe supérieure et pour faire la mise à niveau.

Dans les faits

Même si les grandes lignes du retour des jeunes en cours sont définies, les choses ne sont pas si simples dans les faits en raison des mesures sanitaires. Les capacités d'accueil constituent des facteurs limitants. « Nous allons gérer des goulots d'étranglement, indique David Jouve. Le premier est l'internat : on ne peut pas faire revenir des jeunes si on ne peut pas les loger.» Avec les règles sanitaires, les capacités d'accueil des internats sont largement revues à la baisse.


Les responsables d'établissement doivent également faire avec les mesures gouvernementales. « Ce qui est usant, c'est d'avoir des informations au compte-goutte et contradictoires », avoue Franck Roussier. « Le cafouillage ministériel a été compliqué à gérer, convient David Jouve. Ça a commencé avec l'annonce des examens. Au Campus agronova, nous nous étions organisés pour faire passer des CCF à distance, en vidéo, mais finalement, le ministère ne les a pas validés. A plusieurs reprises, le gouvernement a détricoté ce qui pouvait être innovant. »


Du côté du Lycée de Chervé, le raisonnement est différent : « Ces flottements sont liés à la situation propre de cette crise sanitaire et nous avons fait le choix de nous dire que l'essentiel est de garder le recul nécessaire pour ne pas être en difficulté», explique Paul Candaele. En d'autres termes, « il faut trouver l'inertie adaptée, c'est à dire ne pas se précipiter. Cela signifie que les autorités doivent nous laisser le temps nécessaire pour nous organiser, réaliser le travail de concertation, informer, préparer. »


Le proviseur du Lycée de Chervé ajoute : « Le directeur est le garant de la sécurité sanitaire. C'est pour cela que nous formons le personnel aux geste barrière. » De même, les équipes ont commencé à revenir au Campus agronova lundi, en prévision de la réouverture présumée des lycées le 2 juin (classes de lycée ainsi que pré et post Bac pour les établissements agricoles). « Je veux les rassurer et leur expliquer quel discours tenir aux jeunes, notamment sur la perception du risque, argumente David Jouve. Nous devons nous organiser pour vivre avec ce virus, tout en donnant de l'espoir à la nouvelle génération. »

Lucie Grolleau Frécon