Brasseur
« J’aime gérer ma recette de A à Z et la personnaliser »

Thibaud Faucon est brasseur artisanal à Saint-Romain-en-Jarez. Touche-à-tout et polyvalent, il sera présent pour se faire connaitre et faire déguster ses productions lors de la 1re édition du Marathon de la bière, à Montbrison, qui se déroulera le dernier week-end de mai. Rencontre.

« J’aime gérer ma recette de A à Z et la personnaliser »
Thibaud Faucon a ouvert sa brasserie en janvier 2022, en lieu et place de l’ancienne écurie de l’exploitation de son frère, à Saint-Romain-en-Jarez.

À 28 ans, Thibaud Faucon, originaire de Saint-Étienne, est brasseur à Saint-Romain-en-Jarez. Chauffagiste de formation, c’est après avoir travaillé dans des grandes entreprises autour de l’énergie qu’il a choisi d’entamer une reconversion professionnelle.

Du monde de l’énergie à celui de la bière, il y a un gouffre. Pourquoi avoir opéré cette transition ?

Thibaud Faucon : « La bière était déjà un hobby, j’en faisais de temps à autre avec mon frère. C’est un peu de la cuisine, il y a des bonnes odeurs et, à la fin, un résultat que l’on peut personnaliser à sa guise. Un jour, j’ai été las de travailler dans le domaine de l’énergie et j’ai souhaité me reconvertir dans un domaine qui me plaisait, où je suis seul à travailler et à contrôler chaque étape. J’ai la chance d’avoir ma brasserie sur la ferme de mon frère, qui est agriculteur. L’an dernier, nous avons fait 1 hectare de malt d’orge, grâce auquel nous avons récupéré 2 tonnes que l’on a converties dans une malterie vers Grenoble. Je ferai la plupart de mes prochains brassins (contenu de la cuve où l’on brasse la bière, NDLR) avec ce stock. »

Revenons à vos débuts. Quand et comment avez-vous commencé ?

T.F : « J’ai lancé ma brasserie en janvier 2022, ici, à Saint-Romain-en-Jarez. J’ai construit les locaux sur de l’existant, en lieu et place d’une vieille écurie. On a tout refait : coulé une dalle, mis en place une chambre chaude et une chambre froide, commandé les cuves, etc. Il a ensuite fallu chercher des fournisseurs de bouteilles, de cartons, d’étiquettes. »

Était-ce difficile de se lancer alors que ce n’est pas votre métier d’origine ?

T.F : « Oui, les débuts ne sont pas évidents, car je change mes habitudes et je sors de ma zone de confort. Mais justement, c’est ce que je cherchais. Je me dis qu’à mon âge, c’était le moment. Trouver les contacts n’est pas chose aisée. En revanche, financièrement, je n’ai pas eu de soucis pour le moment. Dans les entreprises par lesquelles je suis passé, j’ai systématiquement réussi à obtenir des ruptures conventionnelles. Je bénéficie également de l’allocation d’Aide de retour à l’emploi (ARE) de Pôle emploi. Cela me permet de me lancer tranquillement et d’avoir une marge de manœuvre. Sans oublier que j’ai la chance de bénéficier de ce local que me prête mon frère, donc pas de loyer à payer. Pour le reste, j’ai appris sur le tas et tout est fait par mes soins. Je ne suis pas graphiste, mais j’ai réussi à me débrouiller pour confectionner mes étiquettes (dénomination de la bière, brasserie, bière artisanale, quantité, degré d’alcool et partie indication du type de bière) et mon logo (un faucon, NDLR). Quant au nom de la brasserie Faucon, il découle de mon nom de famille. Je me suis dit que ce serait dommage de ne pas l’utiliser pour cette aventure, d’autant qu’il n’était pas utilisé. Enfin, j’ai créé un tableau Excel dans lequel j’ai entré toutes les formules possibles pour fabriquer de la bière. Quand je veux que ma bière ait telle couleur, telle amertume, je m’y réfère. »

Avec quels ingrédients préparez-vous vos bières ?

T.F : « Il y en a quatre. L’eau, pour commencer, qui est l’ingrédient principal, puisqu’une bière en est composée à environ 90 %. Je m’alimente avec celle de la ville. La ferme a certes une source, mais il faudrait faire des analyses tous les mois, voire plus souvent. Pour l’instant, je fais un peu avec les moyens du bord. Ensuite, il y a du malt d’orge (orge malté puis torréfié). Je me fournis pour l’instant à la Malterie du château en Belgique, mais je pense à celle des Volcans, en Auvergne, pour l’avenir. Puis, il faut du houblon, qui apporte de l’amertume et un côté floral. Je m’approvisionne auprès du Comptoir du houblon, en Alsace ou en Belgique, même si j’essaie de privilégier des houblons français. Et pour finir, de la levure afin de faire fermenter. »

Outre l’eau, voici les ingrédients nécessaires à l’élaboration de la bière, selon Thibaud Faucon : malt, houblon et levure.

La dimension locale est-elle importante pour vous ?

T.F : « Carrément ! J’aime bien cet aspect, parce que, justement, j’ai travaillé dans des grosses entreprises dans lesquelles on ne voyait pas vraiment la finalité. Produire et commercialiser localement a plus de sens pour moi. Il y a beaucoup de brasseries en France et dans la Loire, pouvoir approvisionner le département et les alentours permet de moins laisser de place à de grosses structures. »

Quelles sont les étapes de fabrication de vos bières ?

T.F : « Je commence par prendre du malt provenant de mon stock pour le mettre dans mon broyeur. À l’intérieur de celui-ci, deux rouleaux vont concasser le malt de manière à garder l’intérieur de la graine et éviter le surplus de farine. J’obtiens alors des sacs de grains, que je transvase dans une cuve d’empâtage avec une grande quantité d’eau, mis en chauffe à 65°C pendant une heure. Cela permet d’extraire tout le sucre en faisant un moût, autrement dit une eau sucrée de malt. Je le verse dans une autre cuve pour reprendre tout le sucre restant ; lorsque c’est terminé, je récupère l’eau chaude pour rincer et enlever tous les résidus. Lorsque j’ai finalement le moût, je nettoie la cuve pour le vider dedans et je fais chauffer à ébullition. Lorsque cette manipulation est terminée, j’intègre du houblon que j’amérise au départ, puis que j’aromatise. Ensuite, je passe le liquide via des échangeurs à plat dans les cuves de fermentation. Dans celles-ci, je déverse alors ma levure et je les place en chambre chaude pour activer le processus, et ce durant une semaine et demi. Passé ce délai et après avoir obtenu la densité finale souhaitée, je fais couler mon liquide dans la cuve de départ, nettoyée, pour vérifier la quantité. Je resucre la quantité nécessaire pour avoir la pression et le volume de CO2 nécessaires et enfin, je mets en bouteille ».

Concrètement, que proposez-vous ?

T.F : « Je ne fais que des bouteilles de 50 cl, avec un seul modèle d’étiquettes et de bières, et un prix unique. Pour l’instant, je me suis lancé en proposant une base de trois références de bières : la Pils, l’IPA et la Saison. Si on doit rapidement les passer en revue, la Pils est une bière blonde légère, peu forte en alcool (4 °C), avec un léger goût de céréales. L’IPA, pour “Indian Pale Ale”, est une bière blonde plus amère et plus fleurie que la Pils, qui est à 5,6 °C d’alcool. Enfin, la Saison est une bière faite l’hiver pour être dégustée l’été. Ambrée, elle a un bon goût de céréales torréfiées et un houblon plus présent, à 5,7 °C d’alcool. »

Qu’aimez-vous dans le travail de la bière ?

T.F : « J’aime gérer ma recette de A à Z et la personnaliser, donc ne pas avoir la même que celle d’un autre, ceci en contrôlant l’intensité au fur et à mesure et en me focalisant sur certains axes d’amélioration. Ce que j’apprécie également dans ce métier, c’est qu’il demande une grande polyvalence, entre la gestion de la partie thermique, frigorifique, mais aussi le fait d’être entrepreneur. »

Comment votre commercialisation fonctionne-t-elle ?

T.F : « Je n’ai pas beaucoup de points de ventes, notamment parce que je n’avais pas encore la production nécessaire. Pour l’instant, ce sont plus des connaissances, des amis, mon réseau proche. A cela s’ajoutent différents marchés des environs pour me faire un peu connaître. Maintenant que j’ai une production suffisante et du stock, je compte démarcher tous les petits commerces de proximité. Mon seul point de vente fixe à l’heure actuelle se trouve aux Halles de Saint-Étienne. Je commence à créer un site internet, qui offrira la possibilité d’acheter en ligne.

Avez-vous des projets ?

T.F : « Pour l’instant, je suis seul. J’ai parfois des amis qui viennent me filer un coup de main et qui prennent plaisir à brasser avec moi. Le but est de rester seul, voire d’employer une personne à terme, mais je n’ai pas envie de devenir une grosse entreprise. J’ai d’autres projets, comme de proposer à la vente des bières éphémères, en parallèle de mes trois références. J’ai réussi à trouver des petites cuves de 50 L pour faire différents essais, en fonction de la saisonnalité par exemple. Mon objectif serait de faire de la bière avec de la purée de fruits et plein de choses locales, de qualité et de saison pour avoir du goût. »

Pourquoi participer au Marathon de la bière ?

T.F : « C’est une coïncidence. J’ai un ami qui travaille avec l’un des fondateurs de cet évènement. Il m’a demandé si y vendre des bières et participer plus largement au Marathon de la bière pouvait m’intéresser. À la fin du mois, on sera donc chargé du ravitaillement sur le Marathon, où l’on fournira de la bière gratuitement. Il y aura aussi une soirée avec des brasseurs, des points de vente, etc. Ce sera un évènement festif, ludique, pour se faire connaître, faire déguster nos produits. Pour l’instant, on est 14 brasseurs de la région, mais il n’y aura pas toutes les brasseries de la Loire. Ce sera vraiment une année-test, le marathon a été organisé en cinq-six mois. Mais c’est un concept qui vise à rester ici, à Montbrison. Les organisateurs sont avant tout des passionnés de marathon, ils en font, ont vu des marathons du vin. Et ils étaient étonnés de ne pas en voir autour de la bière. C’est maintenant chose faite ! »

Propos recueillis par Axel Poulain