Mémoire
Ressins : 100 ans d’histoires à raconter

En vue de célébrer son centenaire, le lycée agricole de Ressins proposera, lors du premier week-end d’octobre, une programmation des plus ambitieuses. Un évènement "anniversaire" dont l'objectif est de marquer l’histoire d’un lycée qui a traversé les générations.

Ressins : 100 ans d’histoires à raconter
Si le complexe de Ressins a considérablement évolué au fil des décennies, son château, inchangé, reflète les traditions ancrées dans l’histoire de l’établissement.

100 ans ! Pour retracer un siècle de souvenirs et en attendant les festivités des 2 et 3 octobre, le livret de l’association des anciens élèves « Vivre ensemble et grandir » ainsi que l’album photo du lycée agricole ont joué un rôle primordial. 

C’est en 1920 qu’une école d’agriculture est créée sur le domaine de Ressins. Un domaine légué par l’artiste peintre Etienne Gautier à sa sœur après sa mort en 1903, lui confiant la responsabilité d’installer une institution religieuse en faveur des orphelins de l’agriculture. 

Faire perdurer l’esprit de famille

Dans cette optique, le Cardinal Maurin envoya le père Régis Desvernay, prêtre du diocèse, pour faire du domaine, une œuvre de reconstruction sociale. Pour la première rentrée de l’établissement, le 14 octobre 1920, 14 élèves sont inscrits. Ceux-là assistent alors au discours officiel du père Desvernay, alors directeur jusqu’en 1922, qui pose à cet instant les fondements de l’établissement :

« Tout de suite, c’est l’esprit de famille. L’école continue la famille. Je voudrais dissiper cette première impression de tristesse, de malaise, d’une sorte de crainte d’une maison inconnue, en mettant au contraire de la joie, de la confiance. Vous venez pour vous former à la vie sérieuse, vie de travail pour apprendre un métier ». Une soixantaine d'hectares sont alors mis à disposition pour une exploitation agricole, qui permettra aux élèves d’être formés à la pratique.

La décennie suivante, la France est soumise à une grande dépression économique. Touchée, l’agriculture l’est d’autant plus avec le passage de l’Hexagone à majorité citadine depuis 1931. Les effectifs des différentes promotions de Ressins comptent en moyenne moins de 27 élèves pour l’ensemble des trois classes, contre presque 28 pour la décennie précédente.

C’est en 1936 que cette période de doute est levée, année marquant l’arrivée des Salésiens de Don Bosco. Une idée du cardinal Maurin qui souhaitera alors renouveler la pédagogie de l’établissement en songeant à une communauté issue d’une congrégation religieuse. Après un premier refus, c’est finalement le père Henri Faure, provincial salésien à Lyon, qui fut chargé d’y envoyer quelques religieux. Ceux-là furent donc épaulés dans un premier temps par quelques prêtres du diocèse avant de leur passer le flambeau.

La première direction bicéphale, diocésaine/salésienne vit alors le jour à la rentrée 1936. Un ancien élève, Robert Bonin, confiait alors dans le livret de l’association : « On sentait quelque chose en commun entre tous les salésiens, et puis des nouveautés sont apparues : la messe quotidienne le matin, la prière et le mot du soir ».

Doutes et climat hostile

Les effectifs ne comblent pourtant pas encore les attentes et une réunion de mise au point est organisée. L’objectif ? Trouver des solutions pour recruter plus et développer l’attractivité.

Mais quelques années plus tard, en 1939, la Seconde guerre mondiale fait son apparition : en novembre de la même année, seuls six élèves constitueront l’effectif de l’année scolaire. La décennie se termine alors dans un climat de doute et d’instabilité, soumis à un contexte hostile.

Malgré ces temps troublés, Ressins souhaite aller de l’avant. C’est ainsi qu’en 1943, l’Association catholique d’enseignement agricole et de la formation rurale (ACEAFR) est créée. Celle-ci prend la responsabilité des orientations et de la gestion de l’école, épaulée par la Société immobilière de Ressins, propriétaire du patrimoine. Cette même année, l’effectif de l’établissement dépasse les 100 élèves.

Le retour à la réalité survient lors d’une matinée de mai 1944 ; l’école est envahie par des officiers allemands, en quête de fausses identités et d’un hypothétique dépôt d’armes. Si quelques supérieurs de l’établissement sont, au terme de cette « visite », emmenés en prison, ils sont relâchés sous 24 heures. Un épisode qui témoigne de l’ambiance pesante de cette période de guerre.

Le calme après la tempête

La période d’après-guerre apaise logiquement les tensions de ces dernières années. Pour les nouveaux élèves, l’impression de grandeur et de liberté de l’établissement est un motif de rentrée à Ressins. Sans oublier sa qualité de formation : « J’ai profité à fond de tout ce qui pouvait se faire à Ressins : la découverte de la machine à traire, l’utilisation et l’entretien d’une faux. Le mode de formation m’a ouvert à l’alternance et au travail ensemble et entre générations. Mon passage à Ressins a été un détonateur pour toute ma vie. », se souvenait Antoine Chapolard, ancien élève. 

En 1952, le père Schoeneberger prend les rênes de Ressins, désireux de placer l’établissement dans le paysage de l’enseignement agricole. Deux ans plus tard, en 1954, Ressins est reconnu Centre d’apprentissage agricole, bénéficiant alors de quelques aides financières. Outre le diplôme obtenu, les élèves passent le Brevet d’apprentissage agricole à partir de la fin de la décennie, alors reconnu par le ministère de l’Agriculture.

L’essor de l’école et de ses effectifs

L’année 1965 marque le passage d’un cap : la distinction décernée par le ministère de l’Agriculture : « lycée agricole ». Le lycée prépare au Bac et un peu plus tard au BTS. Des bâtiments scolaires et d'internat sont édifiés, les anciens élèves prennent en charge la construction de la chapelle.

La décennie suivante, Ressins, dans la mouvance des idées nouvelles générées par 1968, poursuit sa croissance et s'impose dans le paysage de l'enseignement agricole. En 1978, la communauté salésienne poursuit sa mission mais confie à un laïc, Yves Bergeron, la direction de l'école.

Deux ans plus tard, l’établissement subit les difficultés liées au statut de l'enseignement agricole privé. La filière BTS s'installe dans l'ancien petit séminaire St-Gildas à Charlieu. En 1985, Ressins compte plus de 300 élèves. Le nombre des filles augmente régulièrement.

Entre 1990 et 2000, l’établissement poursuit sa croissance : Ressins développe notamment les filières Bac S, Bac Technologique, Bac Pro. Suite à la réception d’un héritage, une vaste salle de sport est construite en partenariat avec les cinq communes voisines, lesquelles seront également bénéficiaires de cet équipement. En 1998, un bâtiment à structure bois, muni de panneaux solaires abrite des classes, chambres, cuisine et salle de restaurant.

En 2003, un hommage est rendu à Etienne Gautier pour le centenaire de sa mort. Cette année marque également un tournant majeur avec la construction d'un atelier de transformation lait, viande avec magasin de vente directe en circuit court, en partenariat avec des agriculteurs voisins,

Mêler traditions et modernité

Entre 2010 et 2020, c’est un vaste programme de rénovation de la ferme qui est initié, favorisant l'environnement : construction de nouveaux bâtiments d'élevage avec traite classique et robot, méthaniseur pour le traitement des déchets et production d'énergie, réparation de la digue de l'étang pour assurer une autonomie en eau.  

Avec un effectif de plus de 500 élèves et de nombreuses adaptations pédagogiques, l'esprit de Ressins est conservé, laissant la place aux initiatives et à la prise de responsabilité des jeunes avec l'accompagnement des adultes. Près de 10 000 jeunes auront bénéficié de la formation à Ressins.

Axel Poulain