Combats
Sols contaminés par la guerre en Ukraine, une vérité délaissée

Posté cet été sur le front russo-ukrainien, à Pisky (Donestk), un soldat a compté, devant lui, le nombre de bombes tombées en une journée sur une parcelle de 30 hectares. Il en aurait dénombré 6 000. Faute d’étude menée sur le sujet, son expérience donne un aperçu de l’ampleur des contaminations engendrées par ce conflit.

Sols contaminés par la guerre en Ukraine, une vérité délaissée
En Ukraine, les dégâts causés par les combats sur les terres agricoles sont complexes à appréhender. Plusieurs facteurs entrent en jeu, qui vont de la contamination à la perturbation de la structure des sols. Crédit photo AgraPresse

Alors que les combats en Ukraine se poursuivent, toute tentative d’évaluer le terrible coup porté aux sols du pays reste hautement spéculative. D’abord parce que les dégâts s’étendent sur une zone immense. Environ 11 millions d’hectares de terre sont situés en zone à risques – soit l’équivalent d’un peu plus d’un tiers de la Surface agricole utile (SAU) de la France. Et parce que les dommages subis par la terre sont complexes à appréhender. Plusieurs facteurs entrent en jeu, qui vont de la contamination à la perturbation de la structure des sols.

La première source de contamination provient des bombardements et des mines – qui tuent des agriculteurs ukrainiens chaque jour – et des composés toxiques, en particulier des métaux lourds, incrustés dans les sols après l’explosion des munitions. Chaque jour, les troupes russes tirent 50 000 bombes d’artillerie de tous calibres sur les positions ukrainiennes, selon Mykhailo Podoliak, conseiller du président ukrainien. Et selon une étude de l’Ecole d’économie de Kiev, le simple fait de rechercher et déminer les sols coûterait environ 500 millions d’euros.

Deuxième source : la destruction de centaines d’installations chimiques et de milliers de réserves de carburant, dont il est extrêmement difficile d’étudier les effets sur les sols. Ajoutons enfin que l’équipement et les comportements de l’armée russe (véhicules défectueux, mauvaises manipulations, simulations d’avaries, déversements délibérés lors des phases de replis…) ajouteraient des pollutions supplémentaires aux produits pétroliers.

Des travaux préliminaires en 2017

Suite au déclenchement de la guerre du Dombas en 2014, des travaux préliminaires conduits avaient pourtant donné l’alerte. En 2017-2019, un programme de recherche en écologie et géochimie a été conduit en Ukraine avec le soutien du Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU. Résultats : dans les zones de combats – dont l’intensité ne peut être comparée avec ceux qui se déroulent actuellement – une augmentation significative de certains métaux lourds a été observée dans les sols : mercure, arsenic, zinc et cadmium. Les relevés étaient en moyenne 15 à 30 fois supérieurs à la norme sanitaire fixée par la réglementation ukrainienne (2,1 mg/kg pour le mercure, 1,5 mg/kg pour le cadmium, 2,0 mg/kg pour l’arsenic, 23,0 mg/kg pour le zinc) et plus de 100 fois dans un tiers des échantillons.

Le problème est d’autant plus important qu’il va se poser à très long terme. Comptabiliser 2 000 trous d’obus tous les kilomètres – ce qui n’est pas rare en Ukraine aujourd’hui – signifie qu’environ 2,5 tonnes de cuivre restent là, enfouies dans le sol.

La « Bombturbation » des terres

La toxicité n’est pas tout. En 2006, le scientifique américain Joseph Hupi a forgé le terme « bombturbation » pour décrire cette forme particulière de destruction des sols causée par l’utilisation de munitions explosives. Il constate que le résultat d’une explosion n’est pas seulement la contamination des sols par des éléments toxiques, mais aussi la perturbation de la structure physique du sol. Et des recherches conduites dans le Pas-de-Calais viennent de démontrer que ces conséquences durent extrêmement longtemps.

 

Yurii Goncharenko, rédacteur en chef du magazine agricole ukrainien Zerno

 

La totalité de l'article est à retrouver dans l'édition papier du 23 septembre.