« Remettre du sens à son travail d'éleveur »

En amont de la signature du plan régional de filière viande bovine, vendredi 4 mai dans l'Allier, le vice-président du Conseil régional en charge de l'agriculture, Jean-Pierre Taite, le président du Comité de filière bovins viande (Cofil), François Garrivier, et une délégation de responsables professionnels régionaux et départementaux ont pris le temps de visiter une exploitation allaitante le matin : celle de Christophe Chaize, à Pouilly-les-Nonains. Son système et son état d'esprit illustrent les grands axes du plan filière - performance économique des élevages, valorisation des prix à la production, promotion – avec pour outils par exemple la structuration de l'offre à destination du marché régional, la contractualisation, l'accompagnement technique des éleveurs (diagnostic coût de production).
François Garrivier justifiait cette visite : « C'est une exploitation traditionnelle du Roannais et représentative de la région, et l'éleveur fait preuve d'esprit d'innovation en faveur de la qualité. » Installé en 2012, Christophe Chaize fait naître chaque année 55 veaux charolais (mâles vendus en broutards, femelles engraissées) et engraisse 130 génisses fournies par la coopérative Actis bovins, sur 140 hectares (115 ha de prairies permanentes, 12 ha de prairies temporaires, 13 ha de céréales). Après avoir travaillé plusieurs années comme technicien allaitant à la Chambre d'agriculture de la Loire, il a souhaité faire évoluer progressivement les pratiques mises en place par ses parents sur l'exploitation familiale. Echanger, aller voir ce qu'il se passe ailleurs, observer... l'ont aidé en cela, et ensuite incité à communiquer sur ce qu'il fait sur son exploitation. Il estime avoir réussi à « remettre du sens à son travail d'éleveur ».
Le point de départ : le coût de production
Christophe Chaize est engagé dans un groupe d'éleveurs travaillant sur leurs coûts de production, managé par le groupement de producteurs Actis bovins. Les objectifs sont multiples : faire un point sur la situation technico-économique de l'exploitation et se situer par rapport aux autres ; identifier les pistes d'améliorations (charges, productivité) ; mettre en place des leviers d'action pour améliorer les résultats de l'exploitation. « Le groupe doit rester le même dans le temps pour mener des actions dans la durée », convenaient l'éleveur et les deux techniciens présents, car il ne faut pas oublier que la viande bovine est un cycle de production long. Le président de la Chambre d'agriculture de la Loire, Raymond Vial, rappelait que « la Loire avait été choisie pour développer la méthode Coût de production » développée par l'Institut de l'élevage : « Cela a créé de l'émulation dans le département. »
C'est dans ce groupe d'éleveurs que « nous avons constaté qu'une bonne gestion de l'herbe peut permettre de dégager des marges intéressantes », racontait Christophe Chaize : « Je travaille l'herbe comme une culture. Tout est basé sur l'observation et le bon sens. Je vise l'optimum de la qualité. » Par exemple, il n'hésite pas à mettre à l'herbe certains de ses animaux très tôt, dès le mois de février, et à les hiverner tard (après Noël). Il pratique également le pâturage tournant pour les catégories d'animaux vendus dans l'année. « Une bonne valorisation de l'herbe permet de gagner du poids, et donc du temps. Mais ceci demande de l'observation, de la technique, de l'expérience. »
Des échanges au sein du groupe est née la création d'un groupe (privé) sur Facebook permettant aux éleveurs d'échanger sur leurs pratiques. « Depuis deux ans, on voit des réalisations impressionnantes chez certains, intervenait Christophe Chaize. Tout ceci grâce aux échanges entre éleveurs. Il y a une réelle richesse de savoir-faire sur les exploitations. Quand on est seul chez soi, on se pose des questions. Echanger avec d'autres permet d'avoir des éléments de réponse et d'avancer. »
Christophe Chaize commence à tester le méteil grains, qu'il veut utiliser comme aliment complet pour les broutards. « J'espère que dans deux ans, je pourrai vous dire que je n'achète pas d'aliment à l'extérieur. » Globalement, l'éleveur veut tendre vers l'autonomie : valorisation de l'herbe et des autres cultures pour l'alimentation des animaux, frais d'élevage contenus, maîtrise des frais de mécanisation.
Valoriser son savoir-faire
Saisissant l'opportunité d'agrandir son exploitation, Christophe Chaize a décidé de concrétiser un projet basé sur la valorisation de son savoir-faire et des acteurs de la filière. « L'idée est de mettre en lien les maillons de la chaine, de réinventer les circuits courts, de trouver un débouché local et de faire savoir aux consommateurs ce qu'il y a derrière la viande. » Ainsi, les génisses sont achetées via Actis bovins (animaux de la région), engraissées à base d'herbe et d'un complément fabriqué à la carte avec des matières premières locales, contractualisées avec le groupement. « C'est une démarche personnelle de contractualiser pour vendre un animal par semaine, et de communiquer sur les pratiques. La coopérative y a adhéré. »
Logique puisque depuis plusieurs années, dans une démarche globale du groupement, « Actis bovins contractualise avec ses adhérents pour planifier la sortie des animaux, expliquaient Philippe Plasse et Philippe Dumas. En contrepartie de l'engagement des éleveurs, la coopérative se charge de trouver des débouchés ». Ceci correspond au plan filière qui vise à donner des perspectives aux éleveurs, conserver des outils d'aval et adapter la production aux marchés. Un des volets du plan régional est aussi de communiquer sur le métier et la filière.
Dans la même logique de communication de son projet innovant, Christophe Chaize n'hésite pas à faire part de ses pratiques et de sa vision du métier d'éleveur avec le grand public. Il a par exemple participé à un forum des métiers, a accueilli des classes sur son exploitation, est intervenu devant des lycéens... Il est ressorti des discussions entre Jean-Pierre Taite et les représentants des organisations professionnelles agricoles qu'il existe une réelle nécessité de communiquer positivement sur le métier d'éleveur, d'une part pour que des jeunes s'installent et permettent ainsi le renouvellement des générations agricoles, et d'autre part pour expliquer les pratiques sur les exploitations. Néanmoins, le milieu agricole doit faire face à la problématique des reportages à charge.
Lucie Grolleau Frécon