Archives
Le passé à portée de main

Documents administratifs, photos, articles de presse, etc. les archives témoignent du temps qui passe. Quels documents sont conservés ? Pourquoi ? Comment ? Tour d’horizon avec Pierre-Régis Dupuy, directeur des archives municipales et métropolitaines de Saint-Étienne. 

Le passé à portée de main

Vous êtes-vous déjà demandé « comment les vestiges de plusieurs centaines d’années peuvent être conservés » ? Ou même « à quoi ressemble le quotidien d’un archi- viste » et « pourquoi tous ces documents sont-ils conservés » ? Pierre-Régis Dupuy, directeur des archives muni- cipales et métropolitaines de Saint- Étienne répond à ces questions... et bien d’autres. 

Avant tout, comment devient-on archiviste ? 

Pierre-Régis Dupuy : « Passionné d’histoire, j’ai réalisé un master dans ce domaine puis un master profes- sionnel des métiers des archives. C’est lors de ces études, alors que je ne faisais que les consulter, que je me suis intéressé aux archives. J’ai ensuite fait un stage de classement au sein des archives municipales de Saint-Étienne en 2008 pour intégrer l’équipe permanente en 2011 et en devenir le directeur très récemment, début 2022. » 

Quel est le rôle d’un archiviste ? 

P.-R. Dupuy : « Généralement, les ar- chivistes remplissent quatre missions, que l’on dé nit souvent par les 4C. Dans l’ordre, la collecte, la conserva- tion, le classement et la communica- tion. En effet, le premier rôle dans ce métier est de faire entrer aux archives les documents qui présentent où pour- raient présenter un intérêt historique. Cela n’implique pas de typologie par- ticulière : nous conservons aussi bien des notes que des courriers, dossiers, archives publiques, photos, vidéos ou encore maquettes, plans et panneaux de chantier. Le panel est très large. 

Pour cela, nous travaillons en étroite collaboration avec les services de la ville et de la métropole. Les documents purement administratifs peuvent, eux, être détruits à une certaine échéance. Vient ensuite l’étape de la conservation, nous mettons tout en œuvre pour qu’ils traversent le temps le plus longtemps et le mieux possible. Chacun nécessite un reconditionnement différent, selon son format, sa structure internet et ses propriétés. Nous mettons donc en place des procédures telles que le retrait des agrafes et trombones ou autres pièces pouvant détériorer le papier, le changement des pochettes et boites de conservation. Ce sont des petites actions invisibles mais très im- portantes pour traverser les généra- tions dans des conditions optimales. » 

Comment les archives sont-elles classées ? 

P.-R. Dupuy : « C’est la tâche suivante de l’archiviste. Lorsque nous recevons les documents, les descriptions qui en sont faites sont généralement très ad- ministratives et peu intelligibles pour le grand public. Pour cela, nous faisons une sorte de traduction, en indexant chaque document par des mots clés, qui permettront, même aux non-ini- tiés, de le retrouver, notamment sur le site internet. Vient ensuite l’aspect communication, d’abord dans le sens de recherche : nous communiquons aux lecteurs qui en font la demande les documents souhaités, selon des règles de communicabilité dé nies par le code du patrimoine. Deux autres formes de communication sont cette fois prises en charge par des équipes 

spécialisées : le développement du site internet et celui de l’action culturelle. Le premier concerne la numérisation et la communication à distance des fonds numérisés comme les photographies, plans, af ches, etc. Le second correspond à toutes les actions visant à faire connaître l’histoire et les ar- chives au public, par le biais d’ateliers pédagogiques par exemple. » 

Où les archives sont-elles conser- vées ? 

P.-R. D. : « Tous les documents sont conservés sur place, aux archives municipales et métropolitaines. Au total, se sont entre 13 et 14 kilomètres linéaires qui sont entreposés sur nos étagères. Cela ne permet pas en re- vanche de déterminer précisément le nombre de pièces, chacune étant plus ou moins épaisse. 

Un déménagement est actuellement en projet. Si les travaux ne prennent pas de retard, les archives municipales et métropolitaines de Saint-Étienne devraient quitter leurs locaux du cours Fauriel pour en investir d’autres, avenue Emile-Loubet, dans l’ancien bâtiment de la Sécurité sociale. La cinémathèque de Saint-Étienne et le mémorial de la résistance et de la déportation de la Loire s’installeront également dans ce bâtiment, ce qui fa- cilitera grandement les échanges. De plus, ce nouvel espace nous donnera la possibilité de stocker davantage, mais aussi d’accueillir le public dans les meilleures conditions puisque des espaces d’exposition et d’ateliers pé- dagogiques seront créés. Il est temps que nous fassions ce changement car nous arrivons à saturation complète sur notre site actuel, à tel point que nous avons dû ouvrir une annexe, il y a six ans, pour stocker les archives supplémentaires. » 

Justement, dans quels cadres le public peut-il visiter les archives de Saint-Étienne ? 

P.-R. D. : « Les archives municipales et métropolitaines de Saint-Etienne sont ouvertes au public tous les jours de la semaine, de 8h45 à 17h30, sauf le jeudi. En effet, cette journée est consa- crée à l’accueil des groupes scolaires. Chacun peut venir faire des recherches et demander l’accès à tel ou tel do- cument. Nous disposons d’une salle de lecture qui fait également of ce de salle pédagogique. Nous organi- sons également des expositions thé- matiques et temporaires ainsi que des ateliers pédagogiques pour les groupes scolaires. Certains sont d’ail- leurs pérennes, comme la découverte de son quartier, l’histoire de la mine ou celle de la bande dessinée. » 

Des expositions sont-elles prévues pour les semaines ou mois à venir ? 

P.-R. D. : « Bien sûr, en mai par exemple, une exposition dédiée à la guerre d’Algérie a été mise en place. Elle se compose en trois thématiques : contextualiser la guerre, valoriser toutes les mémoires, ancrer locale- ment le con it. Destinée aux classes de 3e, avec une visite guidée et des ate- liers pédagogiques, elle se clôturera 

le 17 juin par une journée particulière. Au programme : des visites guidées et une visite poétique en compagnie du conservatoire national de Saint- Étienne et une projection en plein air d’un lm sur le thème de l’exposition. 

Ensuite, une exposition sur le dévelop- pement du handisport à Saint-Étienne est en projet, à l’horizon n 2024. La Loire et la métropole se sont montrées précurseurs en la matière puisqu’elles ont accueilli les premiers Jeux euro- péens et mondiaux, respectivement en 1965 et 1975. » 

Comment appréhendez-vous la transition vers le « tout numé- rique » ? 

P.-R. D. : « Nous mettons évidemment en place une politique de numérisa- tion, notamment pour les états civils, ce qui permet un accès facilité pour le public (registres de naissance, de décès ou de mariage). L’intérêt se trouve purement dans la transmis- sion du document car nous ne consi- dérons pas que la numérisation per- mette une meilleure conservation des documents. 

Parallèlement, cette transformation est poussée par celle amorcée par les administrations, qui nous obligent ain- si à conserver des documents n’ayant qu’une existence sous ce format. 

Ce type de fonctionnement est évidem- ment voué à se développer dans les années à venir : les courbes du nombre de documents papier et numérique sont vouées à s’inverser sur le long terme, bien que ce ne soit toujours pas le cas aujourd’hui. Selon moi, nous allons collecter des documents physiques pendant encore quelques dizaines d’années. » 

Clara Serrano

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Quel est le document le plus ancien conservé aux archives de Saint-Étienne ? 

P.-R. D. : « Il date de 1515. Il s’agit d’un registre paroissial de la com- mune de Saint-Victor, qui a été rat- tachée à Saint-Étienne plus tard. » 

Le plus convoité ? 

P.-R. D. : « La majeure partie des recherches effectuées sur le site et ici, aux archives, concernent la généalogie. Nous recevons beaucoup de généalogistes, bien que cela ne corresponde pas à la part la plus grande dans les documents que nous conservons (environ une centaine de mètres linéaires). En dehors de cela, le document le plus convoité est le Terrier de Saint-Priest (inventaire foncier), dont la rédaction a pris fin en 1773 et qui représente la ville de Saint-Étienne avant la Révolution française. C’est un document intéressant graphiquement et historiquement. Il est d’ailleurs régulièrement exposé lors des Journées du patrimoine. » 

Le plus marquant ? 

P.-R. D. : « Le dossier qui m’a le plus marqué est lié à mon expérience personnelle d’archiviste à Saint-Etienne, car j’ai eu la charge du dossier du fond Casino. Dans ce fond, se trouve un ensemble de 33 albums photographiques datés de 1931 à 1983. Chacun comprend une dizaine de pages qui permettent de retracer toute la vie de l’entreprise. Ce qui est marquant n’est pas le document en soi, mais le fait que nous ayons une série chronologique, ce qui permet de se rendre compte de l’évolution et du développement de l’entreprise au l des années. » 

Le plus exceptionnel ? 

P.-R. D. : « La série la plus hors du commun pour des archives municipales est celles de l’Association sportive de Saint-Étienne et de son équipe de football. Contrairement à la plupart des documents que nous possédons, cette série est composée de nombreux objets liés à la politique de merchandising de l’ASSE dans les années 1970 et qui étaient, entre autres, vendus à la boutique du club. Ce sont généralement des objets publicitaires comme des petits trophées ou autres. Il est très rare de détenir une telle série d’objets, si complète. »