Évènements sportifs
Et si trois terroristes ouvraient le feu…

Le 24 janvier, la préfecture de la Loire a organisé un exercice de grande ampleur au stade Geoffroy Guichard, à Saint-Étienne. Plus de 600 personnes étaient impliquées dans cette simulation d’attentat, en prévision des prochains évènements sportifs internationaux. 

Et si trois terroristes ouvraient le feu…
Plus de 600 personnes étaient mobilisés dans le cadre d’un exercice de sécurité, en prévision des futurs grands évènements sportifs.

Dans une ambiance enflammée, les spectateurs venus assister au premier match de la Coupe du monde de rugby sont impatients de voir les joueurs des équipes nationales italiennes et africaines entrer sur la pelouse. Soudain, au loin, des hurlements stridents raisonnent. Puis le silence, l’interrogation et les coups de feu à répétition. Les cris d’effroi et de douleur envahissent les gradins alors que deux hommes cagoulés déboulent, munis d’armes automatiques. Déterminés à faire un maximum de victimes, les forcenés se sont introduits quelques minutes plus tôt dans l’enceinte du stade Geoffroy-Guichard grâce à un complice… 

Heureusement, ce scénario n’est que fictif ! Les forces de sécurité et les services de soin se préparent à toute éventualité en prévision des prochains évènements sportifs internationaux. « Aujourd’hui, nous mettons en scène un événement très particulier que nous ne souhaitons évidemment jamais avoir à vivre. C’est pour cela d’ailleurs que nous devons nous organiser et nous préparer à toutes les hypothèses. » Le mardi 24 février, la préfète de la Loire, Catherine Séguin, et pas moins de 600 personnes étaient mobilisées pour un exercice de grande ampleur. Parmi elles, près de 300 “plastrons“ étaient présents : des lycéens et étudiants devenus figurants pour “ jouer “ les victimes, mais aussi 300 “ professionnels “ dans leur propre rôle : 150 fonctionnaires de police et autant de services secours. Cette simulation de tuerie de masse impressionnante avait pour but de préparer l’ensemble des effectifs à agir et réagir de la meilleure manière possible. 

« Il est difficile de tout “ jouer “ dans le cadre d’un exercice. On ne peut pas couvrir l’ensemble des champs d’intervention. Sinon il aurait fallu remplir le stade avec 42 000 personnes, que des joueurs soient sur le terrain, que l’ambiance soit aussi électrique que pendant un match, etc. Nous avons choisi de nous concentrer sur certains éléments tels que la neutralisation de l’assaillant ainsi que l’évacuation et la prise en charge des victimes », explique la haute fonctionnaire. De tels exercices sont primordiaux au bon fonctionnement et à la bonne cohésion de l’ensemble des services de sécurité et de soin lors d’événements inhabituels comme une attaque terroriste. La coordination des différents acteurs dans une telle situation nécessite en effet un entrainement complet et commun. Ces répétitions grandeur nature sont d’ailleurs organisées régulièrement par la préfecture, à raison d’une dizaine par an, mais tous n’ont pas la même ampleur.

Préparer les troupes

Le scénario de l’exercice est fixé en concertation avec tous les chefs de service, mais n’est pas communiqué aux agents. Ceux-ci sont convoqués pour un « exercice de sécurité publique – sécurité civile », sans en connaître le déroulement précis. Ainsi, chacun doit apprendre à gérer sa propre mission et communiquer avec les autres acteurs du terrain, tout en faisant abstraction de la pression subie. En effet, afin de sécuriser au maximum chaque intervention, celles-ci sont coordonnées et millimétrées mais aussi surveillées depuis le poste de sécurité du stade. 

Ainsi trois niveaux d’intervention sont établis, déterminant un ordre d’action. Pour la sécurisation des lieux et la maitrise des assaillants, les premiers à être mobilisés sont les policiers de la Brigade anti-criminalité (Bac) : c’est le niveau 1. Viennent ensuite les Compagnies républicaines de sécurité (CRS) au niveau 2, puis le Groupe d'intervention de la Gendarmerie nationale (GIGN) au niveau 3. En lieux sûrs, les pompiers et le Samu peuvent intervenir pour porter secours aux victimes. En marge de la zone de danger, une cellule d’urgence médico-psychologique est également mise en place par le service hospitalier. Puis vient le tour de la brigade de police judiciaire, qui a pour mission de s’occuper et de constater le nombre et l’identité des personnes décédées. 

À noter qu’un tout nouveau système d’alerte téléphonique a été testé : Fr-Alert. « Le dispositif permet, à partir d’une localisation que nous déterminons, de prévenir le grand public d’un événement. Tous les téléphones localisés à proximité reçoivent une alerte avec un message et une sonnerie très reconnaissables. En temps normal, l’alerte contiendrait un message tel que “ Alerte – incident en cours à l’intérieur de l’enceinte du stade Geoffroy-Guichard, la police intervient actuellement. Si vous êtes à l’extérieur, éloignez-vous de la zone concernée. Si vous êtes à l’intérieur, mettez-vous à l’abri et enfermez-vous. Consultez les médias et réseaux sociaux.“ » précise la préfète.

Et d’ajouter : « La communication est un aspect primordial pour lequel nous devons nous exercer. D’abord en interne pour informer les services en action et leur permettre d’agir de la manière la plus précise, sécurisée et adaptée. La communication extérieure ensuite, notamment avec les médias qui relaient l’information pour prévenir tout rassemblement de personnes curieuses de voir ce qu’il se passe et donc libérer le périmètre, mais aussi pour informer en temps réel et expliquer la situation. Les réseaux sociaux ont un niveau de communication extrêmement rapide, ce qui est très important pour nous, mais qui peut aussi porter préjudice. Nous devons avoir en vigilance la véracité et la justesse des informations transmises. La meilleure façon d’obtenir une information fiable est de regarder les médias conventionnés et les sources officielles telles que le site et le compte Twitter de la préfecture. »

Un premier retour d’expérience positif

Comme à chaque fois, deux retours d’expérience sont réalisés après l’exercice : un à chaud, l’autre après quelque temps de maturation. Le premier permet de faire des remarques et de ne rien oublier. Les éléments les plus saillants ressortent et les points à approfondir lors du second se définissent. Celui-ci aura lieu plusieurs semaines plus tard. C’est là que les enseignements définitifs seront tirés et qu’une réflexion se mettra en place. L’exercice permet donc de déterminer quels axes sont à améliorer pour réagir au mieux, dans le cas où un tel événement aurait lieu. Ces retours d’expérience (RetEx) sont réalisés en présence de l’ensemble des services mobilisés et sous l’autorité de la préfète. Cette fois, l’ensemble des chefs de service se montre individuellement satisfait à l’issue du test. 

Alors que les observateurs extérieurs pourraient croire à une pagaille générale, le Dr Chabrier, référente de situation sanitaire exceptionnelle, explique : « C’est un bazar organisé. Il y a beaucoup de monde et beaucoup de matériel, mais on est très organisés. Tout est également contrôlé par le directeur des opérations et les commandants des opérations de secours et le directeur des secours médicaux. Ce qui est intéressant lors de tels exercices c’est qu’il y a toujours des petites choses à améliorer. On sait par exemple que la communication interservices est toujours difficile car on partage beaucoup d’informations en simultané. » Elle évoque également les problèmes de communication notamment liés à la masse importante d’informations à transmettre mais aussi aux opérateurs téléphoniques avec un manque de réseau sur certaines zones du stade. « Il y a aussi des détails sur des moyens de transmission qui ne sont pas toujours effectifs, dont on se rend compte uniquement dans ces situations. Par exemple, on a remarqué qu’il y a des zones dans le stade où les téléphones captent moins, des opérateurs qui fonctionnent moins bien également, etc. Ce sont des choses qu’on pourra anticiper la prochaine fois. » 

De son côté, Laurent Perrault, le directeur adjoint de la Direction départementale de la sécurité publique (DDSP) adjoint se félicite d’une grande rapidité dans l’intervention de services de police : « Le stade a été très rapidement sécurisé par les forces de sécurité puisqu’on a mis un quart d’heure à restreindre la crise, qui a permis aux services de secours d’intervenir rapidement. Aujourd’hui, deux objectifs étaient recherchés : peaufiner nos techniques d’intervention, les appliquer dans l’enceinte du stade et dans une telle situation, mais aussi se coordonner avec les autres acteurs. C’est souvent ce qui est le plus difficile à réaliser et cela s’est plutôt bien déroulé. » 

Enfin, le colonel Gueugneau, directeur adjoint du Service départemental d’incendie et de secours (Sdis), ajoute : « On a peu d’échanges entre les différents services de l’État. Ce sont des moments où l’on apprend réellement à partager nos interventions et nos méthodes sur des situations si particulières. La préparation de la Coupe du monde de rugby et des Jeux Olympiques nous pousse, et c’est très bénéfique, à nous entraîner en interservices, pour des évènements qui seraient exceptionnels. » 

En somme, un bilan réellement positif pour chacun des acteurs mobilisés pour ce test qui relève tout de même des progrès à faire, en particulier sur la communication et la coordination interservices.

Clara Serrano

Un scénario très réaliste
Selon la mise en scène, deux terroristes se sont introduits dans le stade Geoffroy-Guichard et ont ouvert le feu sur les spectateurs, faisant 60 blessés et tuant 10 personnes.
Exercice

Un scénario très réaliste

Bien que très réaliste, l’événement n’était heureusement qu’un test scénarisé et travaillé depuis plusieurs mois. Ici, la trame prend pour cadre la Coupe du monde de rugby qui aura lieu en septembre prochain. Dès 13h30, les abords du stade sont en effervescence. Le périmètre est sécurisé, fermé à la circulation. Seuls quelques opérateurs savent précisément ce qu’il se trame et, à 13h40, le premier assaillant intervient. Alors que les spectateurs se prêtent aux fouilles de contrôle et se massent à l’entrée du “Chaudron“, il attaque à l’arme blanche un agent de sécurité. Pendant qu’il est neutralisé, toute l’attention est tournée vers lui, de quoi laisser entrer ses deux complices plus facilement. Équipés de réelles armes de guerre, les deux forcenés se dirigent vers la tribune extérieure et ouvrent le feu sur le public. Objectif : faire un maximum de victimes. Face à l’approche des services de police, et alors que les blessés sont déjà nombreux, ils se retranchent dans le salon présidentiel. Malgré plusieurs blessés chez les CRS, l’un des attaquants est neutralisé alors que le second s’isole avec des otages et entame les négociations avec les forces du GIGN. Après plusieurs heures, l’assaut est donné et le dernier terroriste est abattu. Pendant ce temps, une fois chaque zone sécurisée, les services de secours peuvent intervenir : les pompiers et le Samu. Au total, et bien sûr “pour de faux “, le bilan s’élève à 230 impliqués (non blessés mais reçus par des psychologues de la cellule d’urgence médico-psychologique), 60 blessés dont 20 urgences absolues et 10 personnes décédées. L’attaque prend fin mais l’exercice n’est pas terminé. Les services de santé sont sur le front pour porter assistance aux blessés, tandis que les fonctionnaires de police s’attellent à la prise en charge des corps.